Ô belle demoiselle 1
J'avais grand besoin de sortir et de
prendre l'air. En plus, c'était l'été et il faisait beau. Le soleil
était de la partie, et dieu sait que je raffolais de ce type de
journées. Et d'ailleurs… j'aurais bien fait d'en profiter.
J'avais du mal à me remettre de ma rupture d'avec Karine, ma dernière
petite amie en date. Ça faisait moins d'un an que cette dernière m'avait
quitté. Quitté ? Un bien grand mot vu la manière dont cette chipie
s'était comportée. Elle s'était juste contentée de phrases laconiques
pour me faire comprendre que c'était fini entre nous. Il m'a fallu des
semaines et des semaines pour le réaliser.
Je suis guide touristique pour un musée consacré à un célèbre peintre
italien de la Renaissance dont j'apprécie particulièrement le talent et
la beauté des œuvres. Il m'arrivait de temps à autre des yeux féminins
se braquer sur moi et je dois avouer que c'est valorisant quand ça
arrive. Cependant, et bien que j'apprécie ça, il me faut rester dans le
costume du puits de science que je suis. J'avais pour habitude de me
répéter, un peu comme une mantra : «Ne mélange pas le travail et le
plaisir, David...»
Ça faisait presque un an que je n'avais pas fait l'amour. Bien que
Karine m'a fait souffrir, je n'arrivais pas à passer au-dessus de ça et
je me refusais à regoûter aux plaisirs de la chair avec une autre femme.
Les mois avaient passé, et mon blocage demeurait ancré en moi. On ne
peut cependant pas savoir ce que l'avenir nous réserve, n'est-ce pas ?
Ce serait trop beau…
J'étais à des années-lumière de me douter que j'allais faire l'amour à une femme en plein air...
C'est ainsi que j'ai ressenti la forte envie d'aller dehors, histoire de
prendre l'air et de vaquer à d'autres pensées que ma chipie d'ex. Comme
je savais qu'il y avait un très grand parc à proximité de chez moi, ce
fut là que je me décidais de me rendre.
Avant de partir, j'ai pris grand soin de ne pas oublier mon fameux petit
carnet où je notais la moindre idée susceptible de m'inspirer une
chanson, un poème ou bien un récit. Ma meilleure amie, bien sûr : une
très jolie guitare acoustique Gibson dorée que mon oncle m'avait offert
pour mes onze ans et qui ne m'a plus jamais quitté depuis, ainsi que mon
cahier de partitions au cas où l'inspiration me venait et qu'une
chanson naissait dans ma tête et au bout de mes doigts.
Un dernier passage par la salle de bain pour déposer un petit peu de
parfum sur mon corps et me regarder dans la glace : je me sentais bien…
et beau. J'enfilais mon manteau léger noir, et je veillais à bien avoir
des choses indispensables dans mes poches : mon passeport, les clés de
mon appartement, mon iPod ainsi que quelques bonbons à la menthe. Voilà.
J'étais prêt. Je sortais alors de chez moi et marchais tout
tranquillement en direction du parc, mes écouteurs aux oreilles et qui
déversaient de jolies notes de musique électro.
Qu'il faisait beau… mais qu'il faisait beau ! C'était vraiment une jolie
journée d'été, et j'avais bel et bien l'intention d'en profiter. Ma
prochaine visite guidée n'aurait lieu que quelques jours plus tard,
alors… quoi de mieux que de m'accorder du bon temps !
Il me fallut moins d'une demi-heure pour arriver au grand parc qui se
trouvait, dieu merci, en retrait du centre-ville. Quelle ne fut pas ma
surprise de remarquer, en arrivant, que les gens avaient visiblement et
délibérément décidé de passer l'après-midi ailleurs. Remarquez… ils ont
raison. Je pourrais donc jouer et peut-être composer comme bon me
semble. Qui sait…
Un petit coin de paradis a attiré mon attention. C'était un saule de
jolie taille et qui était orné de magnifiques branches aux feuilles
vertes. Ce serait parfait pour moi car non seulement il n'y avait pas
grand monde du tout, mais aussi parce que je serais à l'ombre.
C'était là que je décidais de me poser. J'enlevais mon manteau. Mais, en
réalisant qu'il faisait bien chaud, ce fut mon pull que je retirais à
son tour. Voilà : j'étais à présent en T-Shirt bleu turquoise et en jean
slim bleu foncé. Et j'étais bien… si bien. Rien n'aurait pu perturber
ce bel après-midi. Oh… non.
De mon sac en bandoulière, je sortis un stylo, mon petit carnet à idées
ainsi que mon cahier de partitions. De mon étui, je pris avec précaution
ma jolie Gibson acoustique dorée. J'avais posé mon manteau à même
l'herbe, un peu comme une petite couverture, afin de m'asseoir dessus.
J'avais pris ma Gibson en main, et l'envie de la toucher et de plaquer
quelques accords fut intense. Impossible de résister. Même pas en rêve.
Naturellement, ma voix accompagnait la mélodie que je grattais sur ma
guitare. Je ne sais pas pourquoi mais ce fut la première chanson que
j'avais en tête alors que mes doigts s'étaient posés sur les cordes :
One de U2. Était-ce parce que je ne pouvais toujours pas m'empêcher de
repenser à Karine ? Quoi qu'il en fusse, je jouais de la guitare et je
chantais à tue-tête. J'étais bien. Au bout d'un moment, à force de jouer
de la gratte et de chanter, j'eus comme une illumination. Des nouvelles
idées me venaient en tête. Ça, c'était ce que j'aimais tout
particulièrement. Fredonner une mélodie, écrire des paroles, composer
petit à petit une chanson. Dans ces cas-là, j'étais comme un poisson
dans l'eau. J'étais dans mon élément, et il n'y avait… presque… rien qui
pouvait alors me déranger.
Quand je suis bien et que je fais de la musique, j'en oublie le temps
qui passe. Je n'ai tout simplement plus la notion du temps. Ce qui
comptait pour moi, c'était ma musique, mon bonheur. Moi. Et je faisais
abstraction de tout. Et ça, jusqu'au moment où…
Ma chanson avançait plutôt bien. C'était une mélodie qui rappelait les
slows où deux personnes s'enlacent et dansent. Mais avec des paroles… où
un homme se lamente d'avoir été plaqué injustement par sa petite amie,
sans aucune explication. Karine… Tu ne vas donc pas me laisser
tranquille ??
Loin de ces considérations, une jeune femme, d'à peu près mon âge,
s'avança à ma hauteur et se mit à m'applaudir. J'en fus tout surpris. La
magie était désormais rompue.
Elle avait la vingtaine, probablement vingt-deux, vingt-trois ans. Elle
n'était pas très grande, tout du moins comparée à moi, avec mon mètre
soixante-dix et mon corps sobrement musclé. Elle, elle faisait pas loin
d'un mètre soixante, je pense. Ses cheveux étaient bien longs. Ils
étaient bruns et ils lui arrivaient d'ordinaire aux épaules. Là, elle
avait décidé de les attacher et de se faire une queue de cheval. Et à
chacun de ses mouvements, cette jolie queue de cheval se balançait.
C'était un beau petit spectacle, je dois reconnaître. Ses yeux viraient
entre le marron et le vert, sans que l'on puisse déterminer avec
certitude vers laquelle de ces deux couleurs ils avaient tendance à
s'approcher. Ce dont j'étais sûr et certain, c'est que c'étaient de
beaux yeux… et que j'aimais déjà me plonger dans ce regard.
Elle portait une robe légère d'été avec de fines bretelles et qui était
joliment ornée de fleurs et de couleurs plutôt sobres mais qui
rappelaient justement l'été. Cette robe lui arrivait aux genoux. Du faut
qu'elle était légère et qu'elle découvrait sa peau à certains endroits,
je pouvais l'admirer mais aussi… me rincer l’œil, si je puis dire. Elle
avait la peau rose pâle, et, peu importent les efforts et le temps
qu'elle dépensait pour offrir sa peau au dieu-soleil, sa carnation
semblait n'en faire qu'à sa tête et était ainsi insensible aux belles
journées ensoleillées d'été.
Sur son épaule droite, on pouvait distinguer, si l'on regardait d'un peu
plus près, un grain de beauté. Je ne pouvais, curieusement, pas
m'empêcher de la caresser avec mes yeux. Et, en la reluquant de haut en
bas, tout entière, je voyais qu'elle portait des sandalettes qui
mettaient en valeur ses petits petons.
Elle était tout simplement… mignonne. Je dois reconnaître qu'elle me
plaisait sur le coup. Elle ne me laissait pas indifférent. Mais c'est
surtout quand elle a ouvert la bouche que je suis tombé pour elle.
– C'est joli ce que tu joues ! Mais je t'en prie… Continue… Fais comme
si je n'étais pas là. Ou bien… tu veux bien jouer et chanter pour moi ?
J'étais sur le cul ! On ne se connaissait pas et elle m'avait tutoyé
direct ! Clou du spectacle : elle m'avait interrompu et elle me
demandait de jouer pour elle !
Quand je suis seul, la musique et ma guitare sont mes deux meilleures
amies. Je suis dans ma bulle, et la magie opère. Je me perds dans le
temps car je ne vis plus que pour ma musique et je n'ai alors plus la
notion de temps. J'oublie tout. Je suis comme seul au monde.
Mais ça… C'était avant que cette jolie «petite» brune ne sorte de je-ne-sais-où et ne n'interrompe dans ma transe.
– S'il te plaît…
Me dit-elle d'une voix douce, à la limite limite d'être aguicheuse et en me posant sur moi ses yeux de biche.
J'ai soupiré et je me suis mis à jouer la mélodie sirupeuse que j'étais
en train de composer jusque-là. Je fermais les yeux. Je me suis mis à
caresser puis à gratter délicatement les cordes de ma Gibson acoustique.
Au bout de quelques notes, j'ai commencé à chanter les premières
paroles de ma nouvelle chanson. Ça y était ; ma magie opérait de
nouveau. Je dois reconnaître que la présence de cette demoiselle me
réchauffait et me donnait du baume au cœur. Cette nouvelle admiratrice
était sortie de sa cachette pour mieux m'écouter jouer. Sans trop que je
ne sache pourquoi, je m'entendais mieux chanter.
– Hmm… Hmm… Hmm… Hmm… Hmm...
La magie était bel et bien présente ! Cette beauté fredonnait cet
embryon de mélodie et elle m'accompagnait ! Pincez-moi ! Etait-ce un
rêve ou était-ce vraiment ce qui était en train de se passer ?
(...)
Jusqu'à temps que je sente quelque chose se poser sur ma cuisse droite.
J'ouvris brusquement les yeux et les baissai en direction de ladite
cuisse. Là, je me rendis compte que cette jeune femme avait posé sa main
sur ma cuisse et qu'elle s'était mise à la faire bouger tout doucement,
histoire de me caresser un tout petit peu.
Elle posa un doigt sur mes lèvres et elle me dit tout bas :
– Ne dis rien. Prolongeons la magie...
Sa main se déplaça sur mon cou. La belle demoiselle approcha ses lèvres
des miennes, et, juste avant de me donner un baiser, elle me chuchota à
l'oreille :
– Tu vas aimer mes baisers… Je te le promets...
Puis elle moula ses lèvres sur les miennes et m'embrassa pour la toute
première fois. Je savourais avec délice et gourmandise son baiser, et,
d'instinct, j'ai pris son visage entre mes mains pour mieux la sentir
près de moi.
– Cécilia...
– Qu… Quoi ?
– Je m'appelle Cécilia...
– Mmmh… Belle Cécilia… J'aime déjà tes baisers...
– Et… tu n'as encore rien vu...
– Ah… ouais ?
– Ouais...
C'est alors qu'elle ouvrit la bouche et m'y laissa glisser la langue. Ça
y était : nos langues se caressaient et dansaient ensemble. Jusqu'à
temps que je sente quelque chose de froid et de métallique. Un… piercing
?
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