Amour en musique 2
Pendant quelques nanosecondes, nous n'eûmes
rien à nous dire. J'essayais de la regarder dans les yeux, de soutenir
son regard, mais c'était difficile. Je suis affreusement timide et
réservé quand il est question de femmes et d'intimité. Il s'était passé
quelques années depuis la nuit sensuelle que j'avais vécu avec Tiffany, mais elle avait laissé une trace indélébile dans mon cœur et
dans mon corps. La jeune femme rousse prit, la première, la parole :
– Hmmm… Je vois que je te prends au dépourvu… Tu es donc comme sur
scène. Tu n'es pas comme les autres. Ton roadie voulait m'interdire
l'accès à votre loge, mais… À force d'être convaincante. J'avais
tellement envie de te voir, d'avoir l'opportunité d'échanger quelques
mots, avec toi, et peut-être plus si affinités... Je comprendrai que ce
ne soit pas réciproque, mais… Oh… Je ne sais même pas pourquoi je te dis
tout ça d'entrée… Tu ne me connais même pas… Hmm… Je m'appelle Laura,
et… J'ai un faible pour toi. Pour votre musique oui, mais pour toi en
particulier. Je vous suis d'un concert à un autre. Brest… Dunkerque…
Sète… Saint-Étienne… Rouen… J'aime vos chansons, et j'adore tes paroles.
Oui, je sais que c'est toi qui les écris.
Rien qu'à ta personnalité sur scène, et à ce que je vois là, tes paroles
reflètent ce que tu es, qui tu es. J'ignore ce que tu caches en
profondeur, mais tu ne peux pas le cacher. Ça finit par te mettre à nu, à
un moment ou un autre. Ce soir, sur It's No Good, tu fermais les yeux, et c'est comme si les mots de
Gore prenaient toute leur signification. La foule avait les yeux sur
toi, mais moi, j'ai bien entendu qu'il y avait des trémolos dans ta
voix, n'est-ce pas ? Ne mens pas… C'est humain de se sentir envahi par
un sentiment de nostalgie et de faiblesse, tu sais? Et moi, je l'ai
perçu, tu sais ?
Tu n'es pas comme les autres, et c'est ce qui me plaît et me touche. Tu
ne cherches pas les lauriers, la gloire, les applaudissements, les
gloussements ou carrément les faveurs de ces belles… Non! Laisse-moi
finir pendant que j'y suis… Tu n'es pas parfait. Tu n'es pas un Monsieur
Muscle. Et pourtant… Si je viens à chaque "gig"… Si je vous suis d'un
concert à un autre, aux quatre coins de l'Hexagone, c'est pas pour
Thomas, Anthony ou Alexandre. C'est pas pour Pierre, Paul ou Jacques.
C'est pour toi, Benoit. Comme je t'ai dit, j'ignore ce que tu peux
cacher derrière cette pudeur, ces paroles et ton personnage, mais… Je
veux savoir. C'est comme ça. Je suis sûre que tu caches bien des
mystères… et bien des désirs refoulés…
Laura avait tiré en plein dans le mille. Elle ne savait pas même pas à quel point…
Laura ne savait même pas à quel point elle lisait en moi comme dans un
livre ouvert. Elle avait été capable de voir l'adolescent que j'avais
été à travers l'homme que je suis à présent. Petite rousse âgée d'une
vingtaine d'années, elle ne cherchait absolument pas à se tailler une
réputation de groupie invétérée. Elle avait juste entendu parler de
notre groupe, à l'époque où celui-ci commençait à faire parler de lui.
Elle en pinçait pour moi dès qu’elle m’avait vu sur scène… Amoureuse de
mes paroles, de nos mélodies, de notre répertoire, son travail du moment
de vendeuse à temps partiel dans un magasin de vêtements de l'avenue des Champs-Élysées lui permettait
d’assister à nos concerts. Il faut dire que nous ne sommes encore qu’une
formation amateure, et que nous ne jouons que le samedi soir. Cela
n’empêchait pas la jeune femme de faire des kilomètres et des
kilomètres, uniquement pour venir nous voir jouer. Fan discrète du
groupe depuis notre popularité somme toute relative médiatiquement
parlant, Laura s’était contentée de rester dans la foule, de vibrer avec
le reste du public et de chanter à l’unisson.
Petite rousse d'un mètre soixante-cinq, elle était célibataire depuis peu.
Ça n’avait pas été facile de se séparer de son petit copain. Il
débordait d’attentions pour elle, lui préparait des petits plats, lui
offrait des fleurs, lui faisait l’amour en missionnaire comme si elle
était faite de porcelaine etc. À la longue, ça avait tout simplement
fini par la lasser. Avec tact et avec diplomatie, elle avait fini par
lui avouer qu’elle ne se retrouvait plus dans leur relation, qu’il
croyait qu’il la satisfaisait mais que pour elle ce n’était plus le cas.
Elle avait fini par le quitter.
Petite rousse aux cheveux longs jusqu'aux épaules, yeux couleur noisette,
tout petit piercing rond sur l’une de ses narines, bouche aux lèvres
pulpeuses roses-elle était tombée sous mon charme... ou bien sous celui
de mon alter-ego scénique . Alors que mes trois
acolytes de répét’ et de scène kiffent la vie et se lâchent sur scène,
moi, je me fais discret. Je pianote les notes que l’on compose. Je me
concentre sur les mots que j’ai écrits, et sur la musique que nous avons
composé. J’aime ressentir en moi ce que tout cet ensemble peut susciter
émotionnellement parlant. Quand j’effectue mon solo à chaque concert,
c’est le mieux que je puisse faire. Ça peut paraître bizarre, mais je ne
veux pas que le public se focalise sur ma personne. Essayer d’attirer
son attention sur moi pendant une heure relève du cauchemar pour moi.
Laura, elle, se demandait quel serait l’effet que produiraient mes
doigts sur elle, sur son corps. Si je touchais et caressais les touches
de mon clavier, ainsi… Ce ne serait que pur plaisir sur elle, en elle,
hmmm…
Petite rousse à la poitrine plutôt ronde et généreuse, à la taille de guêpe, au ventre plat, au nombril non orné
d’un piercing et au sexe épilé bien qu’elle ait conservé un «ticket de
métro» au niveau de son mont de Vénus, elle s’était jusqu’à présent contentée de se faire jouir à l’aide de ses doigts, de son vibro en
faux cristal ou bien de son gode préféré en rêvant que je l’embrasse, la
prenne dans mes bras, embrasse le moindre recoin de son corps, caresse
et titille sa poitrine, la doigte, la lèche et raffole de son miel doux
et chaud… Hmmm… Elle, elle se voyait rendre hommage à mes tétons dans l’espoir de faire naître, grossir et épaissir le
petit animal qui se dissimule au niveau de mon entrejambe. Elle serait
honorée et fière de s’agenouiller, de me regarder dans les yeux sans
lâcher mon regard une seule seconde, de me branler, de me lécher et de
me sucer à sa guise et comme bon lui semble. Elle s’imaginait me faire
exploser et jouir entre ses lèvres, sur sa langue, dans sa calanque
rose. Elle avalerait le fruit de ma jouissance goulûment. Hmmm…
Rien que d’y penser… Elle se sentait déjà trempée, pantelante, sans même
que je lui ai dit ou fait quoique ce soit. Cependant, elle n’en pensait
pas moins, et avait bien un plan en tête… Heureusement que le hasard
faisait bien les choses! Son amie montpelliéraine Sarah était partie en
week-end avec son beau gosse de mec à Marseille. Les deux jeunes femmes
s'étaient parlées au téléphone. Elles s'étaient échangées leurs
dernières nouvelles, leurs derniers potins. Sarah avait demandé à Laura
ce qu'elle devenait, même si elles se parlaient au moins une fois par
semaine. Laura avait donc, par la suite, demandé à Sarah si elle
pouvait lui emprunter sa maison. Sarah avait accepté de bonne grâce,
ravie que son amie de longue date soit dans les environs. Le hasard fait
donc bien les choses, et Laura avait bien l’intention de m’offrir à
elle, de réaliser ses fantasmes et de faire la lumière sur mes secrets
cachés…
Et, quand elle pensait à moi… Elle se demandait souvent si j’étais
célibataire moi aussi, ou bien si une femme partageait ma vie. Le cas
échéant, elle sentait la jalousie et l’envie prendre possession d’elle.
Cependant, il était difficile pour elle d’en savoir plus au regard de
mes textes. Après tout, peut-être que les paroles ne reflétaient en fait
pas la réalité, et que ça tenait plus de l’art et de la création en fin
de compte. Elle, elle se savait sous mon charme. C’était indéniable.
J’ai trente ans. Je suis guide-conférencier de métier mais musicien à
mes heures perdues. Je mesure un mètre soixante-dix. Je suis plutôt
mince mais je déploie beaucoup de puissance, d’énergie et de
vitesse-surtout quand je marche. Mes épaules se sont joliment
développées à force de fréquenter les salles de sport. Mes cheveux
châtains sont coupés courts. Aux yeux de la jolie rousse, mes yeux sont
savoureux à regarder. Ils virent entre le vert et le marron. De plus, je
porte des lunettes et elle, elle estimait que ça me
conférait un petit charme.
Elle aimait me regarder jouer, remuer les lèvres quand j’accompagnais la
voix du chanteur du groupe. Ce sur quoi elle avait commencé à en pincer
pour moi, c’était quand je fermais les yeux pour me concentrer sur la
musique ou le chant. Ce dont elle rêvait, c’était de m’imaginer fermer
les yeux quand on serait corps-à-corps, quand elle m’effeuillerait
lentement, quand elle aurait ma queue dans la bouche et jouerait avec
jusqu’à me faire jouir…
23 heures passées, et ses préparatifs consciencieusement réalisés chez
son amie Sarah, elle soutenait mon regard, et effectivement, elle
m’avait pris au dépourvu. À vrai dire, elle s’y était attendu quand elle
avait commencé à envisager une possibilité de venir backstage pour
m’adresser la parole. Elle s’apprêtait me faire une proposition…
Tout était prêt dans la maison de son amie… Le décor romantique fait de
bougies, de parfum, de lumière tamisée et de pétales de roses disposées
avec amour sur le lit… Son iPod avec la playlist «Love’n’Sex» qu’elle
avait spécialement concoctée pour nos futurs potentiels ébats...La
lingerie qu’elle avait spécifiquement choisie pour moi: un soutien-gorge
push-up de couleur bleu poudre en dentelle et le tanga assorti, une
nuisette rose bonbon qui découvrait un peu ses seins mais pas de manière
vulgaire, son gloss goût cerise…
Elle n’avait rien laissé du tout au hasard. Elle se disait que j’avais
beau être l’homme que j’étais, je n’en étais pas moins un mâle alpha
malgré tout. Elle n’aurait pas trop de mal à me faire succomber. Juste
avant de remuer les lèvres, un éclair d’incertitude et de doute lui
effleura l’esprit: et si je restais de marbre une fois que elle m’ait
fait sa proposition? Et si tout simplement je refusais ?
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